Le CLAE lauréat du Bicherpraïs 2012 pour l'organisation du Salon du livre et des cultures du Luxembourg

C’est avec beaucoup de joie et d’émotion que le Comité de liaison des associations d’étrangers (CLAE) a accueilli la décision des éditions Ultimomondo de lui attribuer le Lëtzebuerger Bicherpräis 2012 pour l’organisation du Salon du livre et des cultures du Luxembourg.
Depuis plus de 12 années maintenant, le Salon aime à rendre hommage aux littératures, aux lettres, aux langues, aux cultures, qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, d’ici et d’ailleurs. Sans aucun subside ou presque, année après année, le Salon a accueilli des centaines d’écrivains du monde entier, de nombreux éditeurs de la Grande Région et de différents pays représentatifs des cultures présentes dans le pays. Il s’est construit, grâce « aux travailleurs de l’ombre », bénévoles de structures associatives, héritières de l’immigration ou non, amis du livre et des mots, compagnons du métissage culturel. Nous tenons à remercier et à associer à cette distinction tous ceux qui nous ont accompagné dans l’aventure, tous ceux qui ont cru en ce Salon qui ne ressemble à aucun autre lorsqu’il croise culture populaire et littératures, héritage des migrations et communication entre les terres de départ et la terre d’arrivée. Nous souhaitons également partager ce mérite avec les écrivains, éditeurs, libraires, traducteurs, visiteurs sans qui nous n’aurions pu le construire et l’augmenter, année après année.
Editions Ultimomondo, cliquez
Depuis plus de 12 années maintenant, le Salon aime à rendre hommage aux littératures, aux lettres, aux langues, aux cultures, qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, d’ici et d’ailleurs. Sans aucun subside ou presque, année après année, le Salon a accueilli des centaines d’écrivains du monde entier, de nombreux éditeurs de la Grande Région et de différents pays représentatifs des cultures présentes dans le pays. Il s’est construit, grâce « aux travailleurs de l’ombre », bénévoles de structures associatives, héritières de l’immigration ou non, amis du livre et des mots, compagnons du métissage culturel. Nous tenons à remercier et à associer à cette distinction tous ceux qui nous ont accompagné dans l’aventure, tous ceux qui ont cru en ce Salon qui ne ressemble à aucun autre lorsqu’il croise culture populaire et littératures, héritage des migrations et communication entre les terres de départ et la terre d’arrivée. Nous souhaitons également partager ce mérite avec les écrivains, éditeurs, libraires, traducteurs, visiteurs sans qui nous n’aurions pu le construire et l’augmenter, année après année.
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Eloge du lauréat prononcé par Guy Rewenig
Le Luxembourg est-il un pays d’accueil ? Mais oui, bien sûr, nous accueillons avec ferveur les cheikhs – ou faut-il dire les chèques ? - du Qatar, nous offrons le tapis rouge aux mafieux de la finance internationale et aux comtesses de Belgique qui miraculeusement se mutent en Luxembourgeoises. Tout ce qui relève du pognon est le bienvenu au Luxembourg. Mais pour le reste, il y a péril en la demeure. Les demandeurs d’asile par exemple, donc ceux qui n’ont ni le fric ni le pouvoir ni le passeport féodal, nous ne les accueillons pas à bras ouverts, nous les dissuadons. Même à coups de massue, suivant l’exploit d’une très chrétienne ministre luxembourgeoise qui a réduit presqu’à néant les allocations accordées à ces étrangers malvenus, pour les convaincre de foutre le camp. Il y donc étrangers et étrangers. Vous, les étrangers organisés au sein du CLAE, vous appartenez à une catégorie tenace qui se propose de défendre les droits de l’homme au Luxembourg. Vous militez, et c’est déjà suspect. De quoi se mêlent-ils, ces femmes et ces hommes venus de tous les horizons et qui n’ont pas le moindre soupçon de racines luxembourgeoises ? Voilà en bref le ténor des réactions sur Internet, dès que le CLAE communique ses vues et ses revendications. On n’a qu’à lire les commentaires anonymes sur RTL.lu à propos du CLAE pour comprendre que la notion du pays d’accueil ne vaut que pour quelques grosses carrures. Le citoyen étranger n’est pas nécessairement conçu comme un facteur d’enrichissement ou de culture complémentaire. Ce soir, nous voici réunis en plein centre d’une Ville qui s’est récemment auto-félicitée d’avoir accueilli le 100 000e habitant et d’accéder ainsi au statut officiel d’une grande cité. Les représentants politiques ont oublié de préciser que pratiquement la moitié de ces 100 000 habitants se compose d’étrangers. Et qui dit étrangers, dit : pas de véritable participation politique, pas de pouvoir de décision, influence extrêmement limitée, citoyenneté anéantie pour ainsi dire. En d’autres termes : il y a une moitié des habitants de la Ville qui décide sur le dos de l’autre moitié. Ailleurs, cette pratique s’appelle Apartheid. Ici, elle s’appelle continuité par la grâce de Dieu. Cependant, face à cette lamentable attitude politique, le CLAE n’a jamais désarmé. Au contraire, vous avez installé une culture du débat démocratique, vous défendez toutes griffes dehors les acquis sociaux et les libertés essentielles, vous développez tout un programme pour stabiliser les droits des citoyens. L’exquise expression de tous ces efforts est chaque année le Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté. C’est une fête de la convivialité, où les termes de frontières ou de nations n’existent pas. Au cœur de cette belle manifestation axée sur l’amitié et la solidarité, qui est aussi un formidable exploit logistique, vous avez enraciné le Salon du Livre et des Cultures. Les livres encadrent littéralement l’ensemble des festivités. Ils sont pour ainsi dire le ferment du Festival. Votre approche de la littérature internationale nous a séduits : elle ne fait pas bande à part, elle n’est pas refoulée dans la zone des strapontins, non, elle est pleinement intégrée et donc visiblement valorisée. Le Salon du Livre et des Cultures pourrait être un modèle pour les pouvoirs publics au Luxembourg. Mais chez nous, la littérature n’a pas de statut. Vous l’avez vous-mêmes constaté : toutes vos démarches auprès du Ministère de la Culture pour un soutien tant soit peu modeste ont échoué. Les auteurs et les éditeurs luxembourgeois font la même expérience. Dans ce Ministère, il n’y a ni générosité ni curiosité intellectuelle, ni même une quelconque conception ou stratégie de la création littéraire. Et surtout, ces fonctionnaires donnent l’impression de se foutre royalement des livres et des auteurs. La littérature se retrouve ainsi au tout dernier rang de la politique culturelle luxembourgeoise. Elle n’en est pas seulement l’éternel parent pauvre, elle est pratiquement ignorée. Avec le Salon du Livre et des Cultures, vous avez choisi la voie contraire. Vous rassemblez des écrivains venus de pays où la littérature compte parmi les vivres, donc les moyens de vie et de survie. Pour nous Luxembourgeois, souvent au bord de l’abandon dans un environnement hostile à la littérature, c’est un encouragement et une forte motivation. Les rencontres dans le cadre du Salon nous font entrevoir des énergies créatrices que nous aimerions bien investir dans notre propre travail. Le CLAE, très irréductible et obstiné dans son engagement pour les littératures, a parfaitement mérité notre 3e Lëtzebuerger Bicherpräis. Je vous félicite chaleureusement. Et vive la 13e édition du Salon en 2013! Juste deux mots encore avant la remise du « trophée » à votre représentant. Cette sculpture en céramique, qui symbolise le Lëtzebuerger Bicherpräis, a été créée par Klaudia Kampa, collaboratrice des éditions ultimomondo. Klaudia est Polonaise, elle a travaillé au Luxembourg, aujourd’hui elle vit en Grande-Bretagne, son métier l’amène régulièrement en Suisse. En voilà un parcours qui plaira sans doute au CLAE, promoteur du nouveau citoyen luxembourgeois culturellement extensible. Pour finir, j’aimerais dédier une pensée émue à Roger Manderscheid, co-fondateur d’ultimomondo. Ce soir, à la Cinémathèque Municipale, donc à 400 mètres d’ici, Roger, le grand écrivain qui fut un ardent défenseur de la cause littéraire, revivra par le biais de quelques films retraçant sa personnalité. Roger est aussi l’un des pères du Lëtzebuerger Bicherpräis. Je l’imagine très content du lauréat 2012. Guy Rewenig Casino d'Art Contemporain, Luxembourg. 7 novembre 2012 |
Un Etat-relations
Merci Guy [1] pour cet éloge et merci aux éditions Ultimomondo de nous avoir choisis cette année pour recevoir cette distinction qui nous va droit au cœur. Les occasions sont si rares de voir les projets ou les actions de notre association reconnues. Je crois d’ailleurs que depuis plus de 25 ans d’existence de notre structure c’est la première fois que nous recevons une reconnaissance. Je voudrais aussi ajouter à titre personnel que cette marque d’estime nous fait d’autant plus plaisir que nous succédons à Germaine Goetzinger avec qui nous avons travaillé sur plusieurs projets lorsqu’elle dirigeait le Centre national des Littératures. Avec nos institutions, nous avons emprunté ensemble des chemins de traverse où l’ « identité littéraire » d’une nation peut être brinquebalée de gauche à droite. Cette prise de risque nous l’avons aussi partagée et, dès le départ, les éditions Ultimomondo et quelques autres, nous accompagnent dans ce voyage au Salon du livre et des cultures. Aussi, c’est avec beaucoup de joie que le Comité de liaison des associations d’étrangers (CLAE) a accueilli votre décision de nous attribuer le Bicherpräis 2012, pour l’organisation du Salon du livre et des cultures du Luxembourg. Depuis plus de 12 années maintenant, le Salon aime à rendre hommage aux littératures, aux lettres, aux langues, aux cultures, qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, d’ici et d’ailleurs. Sans aucun subside ou presque, année après année, le Salon a accueilli des centaines d’écrivains du monde entier, de nombreux éditeurs de la Grande Région et de différents pays, représentatifs des cultures présentes dans le pays. Il s’est construit, grâce « aux travailleurs de l’ombre », bénévoles de structures associatives héritières de l’immigration ou non, amis du livre et des mots, compagnons du métissage culturel. Nous tenons à remercier et à associer à cette distinction tous ceux qui nous ont accompagné dans l’aventure, tous ceux qui ont cru en ce Salon qui ne ressemble à aucun autre lorsqu’il croise culture populaire et littératures, héritage des migrations et communication entre les terres de départ et la terre d’arrivée. Nous souhaitons également partager ce mérite avec les écrivains, éditeurs, libraires, traducteurs, visiteurs sans qui nous n’aurions pu le construire et l’augmenter, année après année. Le Salon du livre et des cultures est une sorte d’Université populaire et avec le monde associatif lorsque nous construisons cet équipage, nous nous inscrivons dans la longue pérégrination de l’éducation populaire. Je pense d’ailleurs que si nous sommes d’une certaine manière invisibles les uns et les autres c’est que nous sommes autres pour un ministère d’une culture qui se pense uniquement savante. La culture populaire n’a pas encore acquis ses lettres de noblesses. Et pourtant, le Luxembourg est depuis longtemps un palais des caravanes où l’on peut entendre un brouhaha des cultures : dans cet espace se négocient les marchandises, les épices, l’argent, le capital mais dans cet espace circulent aussi les langues, les poèmes, les créations, les idées et les livres. Il s’y échange aussi les musiques et les chants, les héritages politiques des terres de départ et les idées associatives. Pour que nous puissions être entendus, lus, reconnus, il faudrait passer de l’appartenance à la référence. L’État-Nation c’est l’appartenance et cet État-Nation n’arrête pas de mourir. Il devrait devenir un État-Relations : depuis longtemps, de nouvelles géographies humaines se dessinent sous nos yeux. Des familles, héritières de l’immigration, se sont installées depuis deux siècles sur cette terre. Elles circulent aujourd’hui plus facilement d’un pays à l’autre. Pour leur grande majorité, elles se sont établies au Luxembourg où résident leurs enfants et petits-enfants. Un nouvel espace, plus vaste, existe aujourd’hui. C’est un espace de références où se croisent l’histoire et la mémoire du pays de départ, celle du pays d’arrivée, le pays de naissance des enfants et des petits-enfants, d’autres pays où résident les autres membres de la famille qui eux aussi sont parti en émigration et à qui l’on rend visite. De nouvelles identités se dessinent au fil de ces relations qui, il y a encore peu se réduisaient à un village, un bourg ou une ville. C’est une constellation du métissage qui est en mouvement. Il faudrait une nouvelle révolution copernicienne. De nouveaux outils de navigation, de nouveaux astrolabes, une nouvelle langue, de nouveau mots, de nouvelles poésies, des épopées contemporaines. Mais combien d’Ulysse et de Pénélope vivent déjà dans ce pays ? Ces nouvelles identités sont des colliers de relations et les géographies nationales, la géographie européenne sont des écrins trop étroits. Les nouveaux géographes, topographes, cartographes, navigateurs, caboteurs, sont déjà là. On les croise, excusez du peu, au Salon du livre et des cultures, à Ultimomondo et chez d’autres éditeurs-inventeurs, sur Youtube et sur les blogs. Un étranger est étrange, c’est étrange aujourd’hui… L’étranger d’hier venait du village d’à côté. L’étranger était auparavant une aubaine et il instaurait une relation d’hospitalité comme dans toutes les civilisations. Le migrant aujourd’hui, c’est la moitié d’un grand. Un migrant ce n’est que du mouvement, du déplacement. Un migrant n’a pas d’humanité car il est hors lieu, hors-jeux, hors-monde. Comment pourraient-ils mourir sinon dans presque autant d’indifférence sur les plages où nous nous baignons, coincés dans les trains d’atterrissage ou les essieux d’un camion ? Les familles héritières de l’immigration ont apporté avec elles des savoir-faire, une mémoire politique ou syndicale, une solidarité familiale, de voisinage, une culture paysanne, ouvrière, populaire, intellectuelle. Ces apports sont venus s’ajouter à ceux de ce pays. Ainsi s’est construit un Luxembourg qui ne nous est pas étranger. Mais ce pays peut devenir étranger, étranger à lui même : sommes-nous au milieu du labyrinthe ? Les monstres sont là. On peut les nommer, les montrer, les combattre : société séparée, apartheid, ethnicisation, bouc émissaire, communautarisme, nationalismes, théories de la race. Etranger à nous même ? [2] Il y a un fil que l’on peut suivre. Le métissage est ce passage du labyrinthe, passage souvent effrayant, toujours enrichissant. Mais arrivé à destination, le voyageur restera fidèle à ce qu’il a quitté tout en adoptant de nouvelles mœurs, de nouvelles habitudes, un nouveau langage, une nouvelle manière de voir. Nous inventons tous des fils d’Ariane, des colliers de relations, de nouvelles marques, de nouveaux tatouages qui nous permettent de naviguer et de se repérer dans ces nouvelles constellations : les littératures et les livres sont encore des mappemondes pour demain. RJP-CLAE Casino d'Art Contemporain, Luxembourg. 7 novembre 2012 [1] Guy Rewenig, écrivain et directeur des Editions Ulimomondo [2] En référence à Julia Kristeva, Etrangers à nous même, Editions Fayard, 1988. |